Des origines religieuses à la culture moderne

Le calendrier de l’Avent trouve son origine dans une forme d’expression religieuse. Et, d’une certaine manière, il continue de l’être — mais désormais pour ceux qui vouent un culte à une nouvelle église : celle du consumérisme. Dès le IVᵉ siècle, les premiers chrétiens d’Europe ont commencé à observer formellement la période précédant la naissance de Jésus-Christ. Ils l’ont appelée « l’Avent », du latin signifiant approche ou arrivée. À l’époque, il s’agissait d’un moment de recueillement, de préparation spirituelle et de sobriété.

2025 : l’Avent transformé en terrain de jeu consumériste

En 2025, l’Avent représente surtout une occasion de tirer chaque jour un petit divertissement d’un compartiment en carton perforé. Même les personnes n’entretenant qu’un lien lointain avec Jésus passent leur mois de décembre à compter les jours jusqu’à son anniversaire en ouvrant des portes en papier.

Et derrière ces portes, on trouve désormais absolument tout : du thé, du rouge à lèvres de luxe, du vin, du CBD, du chili crisp, du fromage, des couteaux, des cristaux, du saucisson fumé, des jouets pour enfants, pour chats, pour chiens, et même pour adultes… Beaucoup participent ainsi — parfois sans s’en rendre compte — à un ancien rituel sacré, mais en déballant chaque matin… un string, un échantillon de parfum ou de crème de beauté . Ils patientent jusqu’à Noël sans compromettre leurs efforts en salle de sport, comme le prophète Jesus l’aurait sans doute voulu.

Un marché devenu gigantesque

En France, le calendrier de l’Avent est devenu un objet de désir, voire un produit de luxe. Le phénomène, autrefois cantonné au chocolat pour enfants, il représente désormais un marché où certains coffrets atteignent des prix stratosphériques. J’ai fait mes recherches et voici les calendriers de l’Avent les plus luxueux vendus en France (2025) :

1. Dior – Le Calendrier “30 Montaigne”

Prix : environ 3 000 €; Le plus iconique des calendriers haute couture, renfermant parfums, soins, maquillage, bougies et objets d’art dans un écrin inspiré de la façade du 30 avenue Montaigne.

2. Guerlain – Calendrier L’Art & La Matière

Prix : entre 1 500 et 2 500 €; Un coffret olfactif d’exception rassemblant la gamme la plus prestigieuse de la maison : extraits rares, miniatures emblématiques, bougies et accessoires parfumés.

3. Tiffany & Co. – Luxury Advent Calendar

Prix : environ 112 000 € (disponible sur commande); Le calendrier de l’Avent le plus extravagant au monde : pièces de joaillerie, objets décoratifs, créations iconiques… un véritable trésor distribué sur 24 jours.

4. La Prairie – Calendrier Platinum Rare

Prix : environ 1 300–1 800 €; Une immersion dans les soins anti-âge les plus précieux de la marque : sérums, crèmes, élixirs et exclusivités en formats luxueux.

5. Diptyque – Coffret Prestige 25 jours

Prix : autour de 1 200–1 300 €; Bougies, parfums, objets parfumés : une expérience complète de l’univers olfactif parisien, présentée dans un coffret collector.

Des calendriers pour… toutes les fêtes

Le phénomène est devenu si gigantesque qu’il dépasse désormais Noël. Jour de l’an et la Saint-Valentin ont-ils aussi droit à leurs versions? ce qui paraît parfaitement logique si l’on considère que ces calendriers servent surtout à créer de nouvelles occasions d’acheter.

Un peu moins logique, voire légèrement absurde, si l’on se rappelle que leur but premier était… d’observer l’Avent.

De la tradition enfantine au produit culte pour adultes

Les calendriers de l’Avent vendus à grande échelle existent depuis le début du XXᵉ siècle, lorsque des entreprises européennes ont commencé à commercialiser de simples modèles en papier destinés aux enfants. Mais leur transformation en objets de désir pour adultes s’est accélérée il y a une quinzaine d’années, lorsque les marques de beauté ont commencé à y placer des produits miniatures dans des boîtes élégantes, le tout habillé d’un marketing saisonnier.

L’idée était brillante, car elle offrait deux bénéfices essentiels :

Fidéliser les clientes existantes, Attirer de nouvelles consommatrices tentées par des miniatures plutôt qu’un produit classique plus coûteux.

Une rareté maîtrisée… et 24 jours d’exposition marketing

Le caractère annuel du calendrier permettait d’instaurer une rareté artificielle, générant anticipation, excitation et ruées sur les précommandes. Mais surtout, il offrait aux marques un mois complet de visibilité quotidienne, tant auprès des acheteurs que de leur entourage.

Cette évolution coïncidait avec l’essor de YouTube : les vidéos d’unboxing y figuraient parmi les premiers grands formats viraux : 24 déballages consécutifs.

L’Avent, ou comment emballer du vide à 1 500 €

Soyons sérieux deux minutes : si les premiers chrétiens avaient su qu’un jour leur période de jeûne et de méditation se transformerait en course mondiale à la miniature hors de prix, ils auraient probablement demandé un dédommagement .

Aujourd’hui, l’Avent ressemble moins à une préparation spirituelle et plus à un tutoriel marketing géant. Chaque case est une petite fenêtre vers ce que la société moderne a de plus sacré :

le besoin irrépressible d’acheter quelque chose qui ne sert à rien, mais qui brille. Les marques l’ont bien compris : rien n’inspire autant le consommateur qu’un carton joliment décoré renfermant de minuscules échantillons, le tout vendu au prix d’un lave-linge haut de gamme.

On appelle ça un “calendrier de l’Avent”.

Vingt-quatre jours à croire que vous décidez encore de quelque chose… tandis que votre compte en banque, impassible, constate simplement que vous vous trompez.

Et pourquoi s’arrêter là ?

À ce rythme, on attend avec impatience le calendrier Airbnb, avec 24 clés d’appartements qu’on ne pourra jamais se payer, ou le calendrier EDF, qui offrirait chaque jour une micro-réduction sur la facture — un véritable miracle de Noël. Mais au fond, c’est peut-être ça, la magie de l’Avent moderne :

une célébration où l’on s’émerveille, non plus devant une naissance sacrée, mais devant un mini sérum de 3 ml soigneusement présenté comme si c’était le Graal.

Allez, fermons les yeux, ouvrons la prochaine case, et prions très fort : Peut-être qu’un jour, un calendrier de l’Avent contiendra enfin ce qu’on attend tous…

une conscience.